Tout juste nommé en juillet 2019 à la tête de l’Opéra National de Paris, qui fêtait alors les 350 de sa création, l’allemand Alexander Neef déclarait « qu’il s’attacherait particulièrement à faire vivre le répertoire français, non pas de manière encyclopédique, mais en montant les bonne pièces et les pièces oubliées pour maintenir cette part d’héritage en vie. C’est une question d’identité» Quelques mois plutôt, en février 2019, le Canadien Yannick Nézet-Séguin, nouveau directeur musical du Metropolitan Opera de New-York écrivait dans le magazine français Diapason : « bien cultivée, l’identité est une richesse ».

Toute la problématique de notre concours tient en ces quelques mots : héritage, répertoire, et identité. Mais n’oublions pas, il s’agit d’une identité vivante, issue d’une histoire multiple et féconde, et aujourd’hui encore, toujours créative.

Cette identité lyrique française est d’un parcours bien paradoxal.

Né d’une volonté royale de Louis XIV de résister au « tsunami » lyrique italien qui submergeait l’Europe entière dès la moitié du XVIIème siècle, cet Opéra Français fut créé par un immigré italien (Giovanni Battista Lulli), fut réformé par un bavarois lui-même consacré à Wien (Christoph Wilibald von Gluck), glissa dans le Romantisme grâce un autre italien (Gioacchino Rossini), et parvint à son paroxysme par un berlinois cosmopolite (Giacomo Meyerbeer).

Tous les compositeurs européens ont rêvé d’une réussite parisienne au XIXème siècle : de Cherubini à Wagner, en passant par Donizetti, Verdi, Offenbach, Enesco jusqu’à Kaija Saariaho de nos jours.

Curieusement, et fort heureusement, ce « Goût Français » est donc d’abord universel !

Evidemment, il n’y aurait pas eu d’Opéra Français sans la langue française, ni les œuvres de ces compositeurs de génie nés sur notre sol. De Rameau à Massenet, de Berlioz à Debussy, de Gounod à Poulenc, tous composeront leurs œuvres lyriques pour faire chanter cette langue complexe et subtile, si forte et si riche, que le monde entier nous envie toujours.

Mais définir ce « Goût lyrique Français » n’est guère facile.

Nation éminemment littéraire et philosophe, la France lyrique se fraye entre l’Italie et l’Allemagne musiciennes un chemin original, orgueilleux et délicat, oscillant entre influences réciproques et personnalité propre.

Identité et Goût ne sont donc ni nationalisme exacerbé, ni un entre soi stérile.  

                                   

Christophe Fel,
Directeur Artistique du CICGL