À 88 ans, un an après son fils, le rideau est tombé définitivement sur sa fabuleuse carrière le 6 septembre 2020 à Saint-Maurice-la-Fougereuse dans les Deux-
Nul besoin de revenir sur celle-ci, d'autres bien autorisés s'en chargeront et c'est bien ainsi. Ce qu'il m'apparaît utile de souligner aujourd'hui c'est son profond attachement à sa petite terre de Martinique où elle était toujours accueillie comme une Reine, là où elle ne pouvait plus se rendre, hélas, depuis plusieurs années.
Ce qu'il m'apparaît utile de rappeler aujourd'hui c'est son vrai engagement de femme noire, qu'elle a toujours revendiqué et manifesté avec fermeté, parfois avec indocilité, dans un milieu artistique difficile où "l'homme blanc" règne encore en Maître...
Renée Doria… Ce nom seul résonne déjà comme une légende dans le paysage de l’art lyrique français !
Rien ne semblait prédisposer au départ, ce «petit bout de bonne femme», née à Perpignan le 13 Février 1921, à une telle gloire ni à une telle longévité… C’est que sa carrière de cantatrice est un modèle d’intelligence, de technique et de sagesse. Pas de communication tapageuse, pas de scandale amoureux, pas de voyages excessifs, tout au long de ses 40 ans de carrière et de ses 76 premiers rôles tenus en scène. On ne peut résumer la vie artistique de Renée Doria, si pleine et si riche, d’autres s’en chargeront bien mieux. Pourtant qu’il me soit permis, au moment où notre association aborde la dernière ligne droite de la préparation du Concours International de Chant - qui devrait avoir lieu du 5 au 10 Juillet prochain en Anjou- d’évoquer un souvenir très personnel de Renée Doria.
Notre association aime récolter les observations des professionnels de l’art lyrique sur cette cible fondamentale.
En voici quelques-unes :
« Si ce répertoire français est souvent -peut-être- mal défendu, c’est parce que les interprètes ne prennent pas vraiment le temps de le travailler ; parce que c’est une langue difficile à parler. Pour moi c’est une langue facile à chanter, parce que c’est la mienne, mais je crois que cela vaut vraiment la peine de travailler fort et même moi, en tant que francophone, sur la prononciation. Par exemple, j’ai toujours dit que les « R » roulés donnaient quelque chose d’artificiel à ma voix, un accent bizarre que je n’aimais pas, mais ici à l’Opéra de Paris, j’ai mis de l’eau dans mon vin, en trouvant un équilibre et, tout en restant intelligible, cherché à m’inscrire davantage dans la grande « tradition opératique ». Cela m’a demandé beaucoup de flexibilité mentale pour retravailler ainsi mes rôles français. »
Forum Opéra en mars 2020, interview de Benjamin Bernheim, Artiste lyrique.